Simose Museum | Une galerie métamorphe sur l’eau

Ouvert en 2023 sur le littoral de Hiroshima, le Simose Museum présente les premières galeries flottantes et mobiles au monde, mariant le paysage de la mer intérieure de Seto aux savoir-faire et à l’ingénierie locaux.
Simose-Art-Museum

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Le calme entre la mer et l’architecture

Le Simose Museum se dresse sur le rivage d’Ōtake, face à la mer intérieure constellée d’îles. Les façades en verre semi-miroir renvoient des reflets apaisés de la mer et du ciel. Parce que la réflexion reste mesurée, les arêtes ne crient jamais ; le bâtiment s’installe dans le paysage sans le rompre.

À l’intérieur, la vue s’élargit. Au-delà des vitrages, ondulations des collines et nappe d’eau se répondent. Parallèlement, le bois des sols, des murs et des plafonds diffuse chaleur et parfum. Un motif radial de poteaux et de poutres élève le regard sans effets de manche, et la profondeur de la pièce se révèle au rythme de la marche. Le but n’est pas le spectacle. Le Simose Museum compose plutôt une atmosphère qui ralentit le pas, faite de détails précis et des données du lieu.

Le plus beau musée du monde

Au siège de l’UNESCO à Paris, le jury du Prix Versailles a désigné le Simose Museum « plus beau musée du monde ». Surtout, le prix ne s’arrête pas à l’apparence : il évalue l’invention, l’ancrage local, la conscience écologique et l’intelligence de l’exploitation.

En conséquence, le Simose Museum a été distingué pour ses galeries reconfigurables sur un plan d’eau ; pour un long mur miroir qui intègre l’archipel de Seto dans la composition sans abîmer le paysage ; et pour un projet comme une pratique quotidienne inspirés par le climat et la culture de la région. Ensemble, ces choix expriment l’exigence d’une durabilité intelligente.

Shigeru Ban|Distinctions choisies

Année Prix ou distinction Organisateur Remarques
1995 Grand Prix du Mainichi Design Award Mainichi Shimbun Reconnaissance des œuvres de la première période
1996 Grand Prix Kansai de l’Association Japonaise des Architectes JIA Travaux autour de l’Église de papier
1996 12e Prix Yoshioka Comité du Prix Yoshioka Maison au rideau et autres projets
1997 Prix Jeune Architecte JIA Originalité des débuts
1998 Prix d’Architecture du Tōhoku AIJ Gare de Tazawako et projets associés
2000 Berlin Art Award Berlin Contribution culturelle internationale
2005 Thomas Jefferson Medal en architecture Université de Virginie Dimension publique et académique
2008 Ordre National du Mérite Officier Gouvernement français Contribution aux échanges culturels
2011 Ordre des Arts et des Lettres Officier Gouvernement français Contribution aux arts et à la culture
2011 Prix Auguste Perret UIA Architecture sociale et abris d’urgence
2012 Mainichi Art Award et Prix du Ministre de l’Éducation Japon Convergence art et architecture
2014 Prix Pritzker Fondation du Prix Pritzker Plus haute distinction de l’architecture
2014 Ordre des Arts et des Lettres Commandeur Gouvernement français Contribution remarquable à la culture
2015 Asahi Prize Asahi Shimbun Réalisations majeures socio-culturelles
2017 Ruban Pourpre Gouvernement japonais Avancées en arts et sciences
2017 Mother Teresa Social Justice Award Organisation internationale Actions humanitaires et architecture
2022 Prix Princesse des Asturies catégorie Concorde Fondation des Asturies Pratiques de coexistence et de coopération
2024 Praemium Imperiale architecture Association des Beaux-Arts du Japon Grande distinction artistique internationale
2024 Praemium Imperiale architecture Association des Beaux-Arts du Japon Étape marquante d’une carrière

Une frontière transparente en verre semi-miroir

Le volume d’entrée du Simose Museum est habillé d’un vitrage semi-miroir qui capte sans éblouir les contours de l’eau, du ciel et des plantations. Sous le soleil comme sous les nuages, les reflets restent modérés ; le bâtiment garde sa présence tout en respectant l’arrière-plan.

À l’intérieur, le champ visuel s’ouvre d’un coup. Les faibles reliefs de l’intérieur marin se succèdent au-delà des vitres. Dans le même temps, le bois sous les pieds et au-dessus de la tête parle à l’œil comme au nez. La structure bois en éventail entraîne le regard vers le haut. La pièce ne prétend jamais être plus grande qu’elle n’est ; elle laisse la profondeur advenir au rythme de la marche.

Huit cubes flottants, la poésie de l’équilibre

Passé le seuil, huit cubes d’exposition s’alignent à intervalles réguliers sur le bassin. Derrière eux, un long mur semi-miroir étire l’horizon. Les reflets du verre et de l’eau prolongent la vue avec retenue. Pourtant, l’effet n’est jamais forcé. Niveau d’eau, vent et heure modifient légèrement la composition, si bien que chaque visite au Simose Museum offre une lecture nouvelle.

Le cadre tient ensemble deux familles de lignes : la douceur organique du site et la géométrie nette des cubes. Aucune n’annule l’autre. Parce que la distance est finement réglée, les deux se lisent avec clarté.

Des salles qui se déplacent, défi technique et ancrage local

Le signe distinctif du musée réside dans des salles d’exposition capables de flotter et de se déplacer sur l’eau. Sous le plan d’eau, des structures flottantes en acier assurent la portance. En régime courant, les cubes sont verrouillés mécaniquement sur leur assise.

Pour un déplacement, le niveau d’eau est ajusté afin de générer la poussée nécessaire, puis la position est modifiée sous contrôle humain. La configuration spatiale peut ainsi s’adapter aux expositions et aux parcours.

Points techniques et principes d’exploitation

  • Soutien des éléments mobiles : Structures flottantes de type ponton. Les charges sont reprises par les flotteurs et des appuis de guidage. La position est fixée par des axes d’ancrage et clés de cisaillement.
  • Flottement et appui : Maîtrise du tirant d’eau par ballasts alimentés ou vidangés. Déplacement à faible vitesse une fois une faible flottabilité obtenue. Verrouillage après positionnement pour limiter vibrations et tassements.
  • Guidage et sécurité : Rails ou points d’amarrage multiples. Déplacements réalisés en mode fermé avec contrôle du vent et des circulations. Règles d’exploitation définissant vent limite, périmètre, répartition des agents.
  • Raccordements techniques : Alimentation électrique, réseaux de communication et CVC prévus avec éléments flexibles et longueurs de réserve. Connexions sécurisées en position d’appui.

La conservation des œuvres exige une maîtrise fine de l’humidité et de la condensation. L’enveloppe associe continuité d’étanchéité à l’air, isolation, dispositifs anti-condensation et régulation CVC.
La vitrine et la salle disposent chacune de leur propre contrôle environnemental.

Mesures usuelles pour isolation, anti-condensation et climat intérieur

  • Enveloppe et ouvertures : Continuité de la ligne d’isolation afin de réduire les ponts thermiques. Vitrages multiples à faible émissivité pour limiter les apports solaires côté extérieur et maintenir une température de surface côté intérieur.
  • Étanchéité et condensation : Couche d’étanchéité à l’air continue. Joints à double barrière et traitements d’étanchéité. Épaisseurs d’isolant et couches à perméance variable définies à partir du calcul du point de rosée.
  • CVC et hygrométrie : Zonation pour réduire les variations de température et d’humidité. Vitrines avec déshumidification dédiée ou systèmes à dessiccant. Cible d’exploitation souvent autour de 24 °C et 50 % d’humidité relative, avec faibles amplitudes.
  • Surveillance et exploitation : Capteurs dans les salles, vitrines, locaux techniques et sous-planchers. Seuils d’alerte et suivi continu. Périodes de stabilisation avant et après chaque manœuvre des cubes.

L’expérience de la déambulation dans des salles flottantes

Les cubes partagent gabarits et trames d’ouvertures, tandis que l’éclairage et les caractéristiques de réflexion sont ajustés selon le contenu. Les œuvres en verre de l’Art nouveau sont présentées sous une lumière stable et peu intense pour faciliter la lecture des détails.

Les peintures japonaises à modelé blanc bénéficient d’une lumière qui rend lisibles les ombres en relief. Les œuvres impressionnistes, dont celles de Marie Laurencin, profitent d’un environnement calme à haut indice de rendu des couleurs. La largeur des circulations, la position des banquettes et la maîtrise des sons visent à prolonger le temps de présence sans fatigue.

Un restaurant qui valorise le site et les produits de Seto

Le restaurant du Simose Museum embrasse le bassin, les cubes et les silhouettes des îles lointaines. À peine assis, la vue devient un plat de plus. À midi, l’eau luit doucement ; la nuit, les îles tracent des contours plus vifs. Ainsi, saison et heure renouvellent l’expérience à chaque fois.

La carte privilégie poissons côtiers et légumes de saison, composés à partir des arrivages du jour. L’assaisonnement demeure léger pour laisser parler les ingrédients. En conséquence, l’assiette et le panorama gardent la même clarté.

Construire en papier, une villa qui porte la pensée de Shigeru Ban

Les villas d’hôtes se dressent en bâtiments indépendants, reliés à l’aile principale par des cheminements faciles. Là, l’architecture de papier de Ban se vit plus qu’elle ne s’expose. Des tubes de papier recyclé servent de poteaux et de cloisons, tirant parti de la légèreté et de la rapidité de mise en œuvre.

Pour répondre aux exigences structurelles, densité, diamètre et assemblages sont précisément conçus. Parallèlement, des rangements et pièces d’eau se logent dans les grands tubes, ce qui accroît l’usage. Ainsi, la matière montre sa nature sans transformer la pièce en show-room.

Une éthique du design née du terrain social

Le choix du tube en papier vient des chantiers d’urgence et des partitions d’abris. L’objectif : garantir intimité, hygiène et confort avec des matériaux réellement accessibles.

Ici, cette pensée s’adapte à un usage de plus longue durée ; exigences de résistance, durabilité, maintenance et nettoyabilité sont formulées en prescriptions et traduites en construction. Ce faisant, le Simose Museum relie le savoir-faire d’urgence à l’hospitalité.

Lumière et temps, des impressions qui évoluent

La nuit, l’éclairage assure des parcours sûrs et une scène tenue, tout en limitant l’éblouissement sur les surfaces réfléchissantes. À l’aube, la lumière de l’est adoucit le contraste entre l’eau et le mur miroir, et un autre caractère apparaît. Au fil des heures, la succession des salles et le rythme du déplacement se modifient.

Aucune impression unique ne s’endurcit en vérité définitive ; le Simose Museum ménage au contraire l’envie de revenir, à une autre saison, à une autre heure.

Au-delà du cadre habituel du musée

Le Simose Museum est plus qu’un écrin à œuvres. Architecture, exposition, exploitation et environnement s’accordent pour façonner notre regard. Les galeries mobiles ne relèvent pas de la prouesse. Elles offrent une manière pratique et belle de recomposer l’espace en fonction du programme, des saisons et du temps.

Parce que les dispositifs qui rendent ce mouvement possible, les routines de maintenance et la surveillance environnementale ont été pensés dès l’origine, l’émerveillement fonctionne au quotidien.

Informations pratiques

Site officiel : https://simose-museum.jp/en/
Accès : 739-0622 Hiroshima, Ōtake, Harumi 2-10-50
Téléphone : 0827-94-4000

Il y a chez Shigeru Ban quelque chose de plus large que l’architecture. Ce n’est pas seulement un architecte japonais, ni même un architecte du monde : c’est un homme qui utilise la construction comme un langage pour rendre le monde un peu plus habitable. Pas de grands discours, pas d’effets spectaculaires : juste des structures justes, des lieux qui respirent, des gestes simples pour mieux vivre ensemble.

En France, ses bâtiments sont devenus familiers. À Metz, le Centre Pompidou-Metz déploie son toit de bois comme une voile au vent. À Boulogne-Billancourt, sur l’île Seguin, La Seine Musicale s’est peu à peu dressée, ovoïde, transparente, enserrée de bois et de verre. Les passants s’arrêtaient sur le quai, intrigués : voir naître une grande construction, c’est toujours émouvant. Avant que tout soit fini, le monde semble en suspens, comme lorsqu’on regarde une tour – Tokyo Tower, ou l’Eiffel Tower – encore à moitié nue, pleine de promesses.

Depuis la route qui longe la Seine, La Seine Musicale surgit soudain : un navire, une comète, un étrange éclat posé sur l’eau. Puis, peu à peu, on s’y habitue. Elle devient presque naturelle, comme si le fleuve lui-même l’avait appelée.

Mais le souvenir le plus fort de Ban en France ne tient pas à ses monuments. Il vient d’un printemps de 2022, quand les réfugiés d’Ukraine sont arrivés par milliers. Paris devait offrir un peu d’intimité, un peu d’ordre, un endroit où dormir sans peur. Pas le temps de construire. Alors Ban et son équipe ont apporté leur Paper Partition System : des tubes de papier, des draps, du carton. Quelques gestes suffisent ; des bénévoles ou les réfugiés eux-mêmes montent les cloisons en une heure. Pas de luxe, juste la dignité de pouvoir fermer une porte.

On a souvent demandé : « Mais le papier, est-ce solide ? » Oui. Très. Sous compression, ces tubes supportent bien plus qu’on ne l’imagine. Et la preuve existe : en Inde, après le tremblement de terre du Gujarat en 2001, les abris en papier-tube ont servi pendant des années.

Ce qui touche, c’est la délicatesse : les tissus de couleur claire, les trames qui adoucissent la lumière dure des gymnases, la chaleur inattendue du carton. Rien de spectaculaire, seulement du soin. Ce jour-là, les Français qui regardaient l’installation ont eu ce regard étonné qu’on a devant une idée neuve : « C’est tout ? Juste ça ? Et ça marche ? »

Plus tard, en visitant le musée Simose à Ōtake, j’ai repensé à ces abris. Même exigence du détail, même paix discrète. Des salles qui glissent sur l’eau, du bois qui sent la colline, des ombres qui respirent. On sent la même main, la même humanité.

J’aimerais croire que, la prochaine fois qu’une urgence frappera quelque part, les premiers camions emporteront ces cloisons de papier. Parce qu’elles sont rapides, solides, humaines. Et que, plus tard, quand viendra le temps du calme, les mêmes mains pourront bâtir des musées, des ponts, des lieux pour se souvenir.

Shigeru Ban ne construit pas seulement des bâtiments : il construit des façons d’être ensemble.

Paroles de Parisrobot

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